Histoire Des Libertines (66) : Femmes Libres D’Hollywood : 3) Gloria Swanson, La Gloire Du Cinéma Muet

Gloria Swanson (1899-1983), née Gloria Josephine May Swanson, a été, comme je l’ai évoqué dans le texte précédent de cette série (voir « Histoire des libertines (65) : Femmes libres d’Hollywood : 2) Pola Negri, la belle ténébreuse », paru le 20 septembre 2020), l’une des rivales de Pola Négri. Mais plus que celle-ci, elle a été considérée comme la reine du cinéma muet.

Gloria avait un autre point commun avec Pola : sa mère était d’origine polonaise. Son père était d’origine suédoise. Gloria est née à Chicago.

Fille unique d’un couple dont le père, Joe Swanson, est capitaine dans l’armée, Gloria a une jeunesse passablement déracinée. Jusqu’à son adolescence, elle passe par plus d’une douzaine d’établissements scolaires aux Etats-Unis et à l’étranger, au gré des affectations de son père. Ses parents se séparent alors qu'elle était et Gloria fut confiée à la garde de sa mère.

Introvertie, peu portée sur les études, elle révèle en revanche un vrai penchant pour le dessin. A 16 ans, en vacances chez sa tante à New York, elle visite les studios Essanay. Par simple curiosité, elle accepte de faire de la figuration. Sous le nom de Gloria Mae, avec sa silhouette élégante et déjà racée, elle fait ses débuts devant les caméras en 1915 dans une petite série de fictions.

CARRIERE PRECOCE

Gloria Swanson interprète au début de sa carrière des rôles de « cœur à prendre » ou de midinette, très à la mode à l'époque. En 1917, elle est remarquée par Cecil B. De Mille, qui deviendra son amant ; elle signe un contrat avec lui pour la Paramount.

Elle joue son premier rôle important dans « Après la pluie, le beau temps » de Cecil B. DeMille en 1919. Elle tourne six films avec lui, qui sont six succès. Elle tourne également six films avec "Rudolph Valentino" et fait la renommée du studio Paramount.

En 1924, elle tourne en France « Madame sans-gêne », un film réalisé par Léonce Perret.

De retour aux États-Unis, elle refuse les propositions lucratives de Paramount Pictures pour rejoindre la « United Artists », créée quelques années plus tôt par Charles Chaplin et qui lui offre une totale indépendance.

En 1927, avec le soutien de Joseph Kennedy, elle crée la « Gloria Swanson Pictures Corporation », destinée à produire ses propres films.

La première expérience de Swanson en tant que productrice n'est pas très heureuse : « Sunya », le remake d'un film de 1919, Eyes of Youth, dépasse rapidement le budget prévu en raison du tournage en extérieurs à New York et ne rencontre pas le succès escompté. Elle met alors toute son énergie et sa fortune dans la production d'un second film, « Faiblesse humaine » (Sadie Thompson), où elle joue le rôle d'une prostituée violée par un religieux fanatique. Le film est cette fois un succès commercial et bénéficie d’une critique incontestable.

L'arrivée du parlant, comme pour beaucoup de vedettes de l'époque, porte un coup à sa carrière d'actrice. Certains journalistes la poussent à se retirer, ce qu'elle fait en 1934. Elle effectue néanmoins un retour magistral en 1950, en interprétant le rôle de Norma Desmond dans le film « Boulevard du crépuscule » (Sunset Boulevard) de Billy Wilder.

Pour incarner Norma Desmond, Wilder pense d’abord à Mae West (voir « Histoire des libertines (63) : Femmes libres d’Hollywood : 1) Mae West, la sex-symbol », 20 août 2020), qui refuse, car, à 55 ans, elle se trouve trop jeune pour le rôle. Mary Pickford décline également la proposition, persuadée que le film ternirait son image. Pola Negri pique une colère noire à l’idée de jouer une has-been. Le cinéaste essaie même de convaincre la sublime Greta Garbo, dont nous reparlerons et qui n’a plus tourné depuis dix ans. Sans succès.

Sur le conseil de George Cukor, il contacte alors l’«inaccessible» Gloria Swanson et lui demande de passer une audition, ce qui a pour effet d’agacer au plus haut point.
Lors du casting, l’égérie des années vingt est impressionnante dans la peau de cette actrice aigrie et pathétique que Billy Wilder décide non seulement de lui confier le rôle, mais surtout de le réécrire à sa démesure.

Gloria Swanson reçoit pour sa prestation le Golden Globe de la meilleure actrice et une troisième nomination à l'Oscar dans la même catégorie en 1951.

Gloria Swanson apparaît pour la dernière fois à l'écran dans « 747 en péril » en 1974, où elle joue son propre rôle.

En 1980, à quatre-vingts ans passés, Gloria Swanson entreprend de raconter sa vie, dans une autobiographie « Rêve d’une femme » (Editions Ramsay, 2007). Celle qui fut l'un des premiers monstres sacrés de l'histoire du cinéma, la reine du muet, l'une des femmes les plus célèbres du monde, prend la plume et dit tout sans pudeur mais non sans tendresse.

UNE VIE PRIVEE AGITEE : MARIEE SIX FOIS, MAITRESSE DE JOE KENNEDY

Gloria, comme Henri VIII s’est mariée six fois ! Avec ses yeux bleus perçants, elle n’était pas à vrai dire une beauté classique. Mais sa sensualité agressive la rendait irrésistible.

Elégante, sophistiquée, sensuelle, Gloria Swanson entretient soigneusement son image. Mais elle défraye la chronique. Ses frasques ne l’empêchent nullement d’être, au milieu des années 1920, une des actrices les mieux payées à Hollywood.

• Le premier mari est, en 1916, Wallace Beery, acteur de cinéma fréquentant les studios d'Hollywood dont elle divorce trois ans plus tard. Il l’avait violé le soir de sa nuit de noces, le jour de ses 17 ans ! Elle le trompera par la suite avec Cécil B. De Mille !

• De 1919 à 1922, le second mari est un financier, Herbert K. Somborn. Elle aura, de ce mariage, une fille, Gloria, née en 1920. Lors du divorce, il l’accusera d’infidélité avec pas moins de treize amants !

• Peu après avoir tourné en France, elle s’affiche aux bras du marquis Henry de la Falaise, initialement engagé pour être son assistant et interprète, et l’épouse en 1925.
C’est le troisième mariage, mais elle va très vite tromper le Marquis !

• En 1927, elle rencontre Joe Kennedy (1888-1969) le fondateur du clan Kennedy. Le mariage avec Henri de la Falaise de la Coudraye n’était pas un obstacle aux yeux de Joe. Joe invita le couple à Palm Beach, puis se débarrassa du mari en l’envoyant en mer pour une partie de pêche au gros ! Joe est le directeur de RKO Pictures, qui a qui a racheté Pathé États-Unis. Kennedy propose à La Falaise de devenir représentant de la RKO en France. L’amant fit tout pour éloigner le mari, et y arriva en se débarrassant définitivement du séduisant français, en lui confiant un poste particulièrement lucratif à la société Pathé … à Paris. Gloria raconte dans ses mémoires : « il se précipita sur moi, d’une main il me tenait par la nuque, et de l’autre, m’arrachait mon kimono. Il émettait un gémissement étouffé – Pas plus tard! Pas plus tard! Maintenant! disait-il. Après un orgasme rapide, il resta étendu près de moi, en me caressant les cheveux ».

Jusque 1930, Kennedy est l’amant de Gloria. Leur relation était bien connue à Hollywood mais également dans le cercle privé des Kennedy. Rose Fitzgerald, la femme de Joseph Kennedy était parfaitement au courant de cette liaison !

Un jour, Joe décide d’emmener Gloria à Hyannisport, petite station balnéaire, située sur la côte Est des Etats-Unis, résidence des Kennedy. La star embrasse les s endimanchés, Rose Kennedy accueille son mari qui lui présente sa maîtresse. Le lendemain, à l’aube, Joe lève l’ancre du « Rose E » et double la pointe du quai. A son bord Gloria Swanson redoute le soleil, tient son immense chapeau de paille d’une main et agrippe fermement un cordage : l’actrice ne sait pas nager. Pendant ce temps, au même moment, Henri de la Falaise, le mari de Gloria est occupé à faire la cour d’une autre star de cinéma : Constance Bennett. A Paris, ils fréquentent les « meilleures tables » et dépensent sans compter l’argent de Constance, devenue millionnaire après un divorce « heureux ».
Voilà qui arrange bien les affaires de Joe.

Le « Rose E » est immobile, ballotté par les flots, les amants sont nus sur le pont, lorsque soudain la trappe du poste de pilotage s’ouvre. Jack (le fils de Joe, futur président) se glisse hors de sa cachette, entend des halètements, des soupirs … A douze ans, il ignore encore les choses de l’amour. Et là, aperçoit, derrière la voile abaissée, l’ombre de deux corps se mouvoir lascivement, il voit, il comprend … Anéanti, il saute par-dessus bord et il nage. Il n’entend pas les cris de son père. Joe Kennedy plonge à son tour et en quelques brasses, rejoint son fils. Etouffé par les sanglots, le gamin est au bord de la noyade, tandis que son père le ramène vers le bateau … La capitainerie de Hyannisport n’inscrira pas l’incident dans ses registres. Ce n’est que bien des années plus tard, que les journalistes en auront vent. C’est la dernière fois de sa vie, que John Fitzgerald Kennedy sera le voyeur …

Joe finira par se lasser de Gloria. Plus tard, il se vantera de ses frasques sexuelles avec Gloria Swanson devant Jackie. Hollywood sera toujours un vivier pour les Kennedy, le père et ses fils, nous en parerons au sujet de Marylin Monroe.

L’échec de la Gloria Swanson Corporation marquera la fin de sa liaison avec Joe Kennedy, mais aussi de son mariage avec La Falaise, puisqu’elle divorce en 1930.

• Swanson se console en recevant sa deuxième nomination à l'Oscar pour son rôle dans « L'Intruse » avant d'épouser Michael Farmer en août 1931. Mais son divorce avec La Falaise n'étant pas prononcé à l'époque, elle doit se remarier en novembre ! Elle est alors enceinte de sa seconde fille, Michèle Bridget, qui naît le 5 avril 1932. Gloria divorce fin 1934

• Il y aura un cinquième mariage, de 1945 à 1948, avec William Davey, un millionnaire alcoolique.

• Et enfin un sixième, en 1976, avec l’écrivain William Dufty (1916-2002) !

Malgré ses six mariages, elle ne trouve pas dans un homme l’amour qu’elle éprouvait pour elle-même et collectionne les adultères, les avortements et les amants les plus célèbres, à l’image de Joseph Kennedy, le père du futur président des Etats-Unis, qui géra aussi bien ses finances que ses chagrins. Elle possédait une telle conviction de sa propre valeur et elle terrifiait la masculinité de ses époux et de ses amants.

Au-delà de sa libido exacerbée, de son incroyable pouvoir de séduction et de sa vie amoureuse déraisonnable, Gloria Swanson devient l’archétype de l’extravagance et de la sophistication.

PRINCIPALES SOURCES :

Outre l’article Wikipédia dont je me suis inspirée, je renvoie aux liens suivants :

• http://www.bloglagruyere.ch/2014/08/13/gloria-swanson-firmament-et-crepuscules-7/

• https://noirsuspense.wordpress.com/2012/04/25/les-kennedy-gloria-et-joe-a-love-affair/

• https://www.parismatch.com/Culture/Livres/Dans-la-tete-de-Joe-Kennedy-1280636

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